Analyse thématique
La scène est tirée d'un épisode biblique, mais c'est elle-même qu'Artemisia Gentileschi
emploie comme modèle pour Judith, tandis qu'Holopherne a les traits de son ancien mentor
et violeur Agostino Tassi, et qu'il est dans une position similaire à celle où était
Artémisia lors de son viol, tel que décrit dans son procès ; celui-ci se déroula d'ailleurs
l'année de réalisation de ce tableau 1. Mary Garrard, biographe de Gentileschi, suggère une
vision autobiographique de ce tableau et montre qu'il fonctionne comme une expression
cathartique de la rage intime (et peut-être silencieuse) qui anime l'artiste 2.
Pour Marie-Jo Bonnet, il s'agit plutôt d'une manière de positionner Judith
en fonction de réparatrice 1.
La servante a un rôle actif dans ce tableau, contrairement par exemple à la version
de Caravage où elle est mise en position de spectatrice ; Marie-Jo Bonnet y voit une
affirmation de sororité et rapproche ce tableau des trois Judith et sa Servante de la peintre 1.
En 1979, Lea Lublin réalise lors d'une exposition de la galerie Yvon Lambert
Le milieu du tableau, un ensemble de quatre croquis accompagné d'un texte.
Cette œuvre est une relecture du tableau de Gentileschi, montrant que la composition
suggère un accouchement avec deux sages-femmes plutôt qu'une décapitation 1.
Marie-Jo Bonnet parle « d'un extraordinaire travail d'élaboration psychique
au cours duquel la victime renverse l'histoire de la violence, se met au monde
comme artiste et ouvre de nouvelles perspectives à l'art des femmes » 1.